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*Textes DES EXTRAITS SONORES*


Voyage au Travers du temps

 

Partant de la parole que je viens d'évoquer

Je me sens fort à l'aise pour parler

De la genèse des choses

Que nous voyons du fond de nos ravins.

 

Dès l'encensement divin d'une matrice originelle

Un souffle tout puissant

A fait tourbillonner la flamme du foyer ardent

Qui est l'unique source de la vie éternelle.

Et ce souffle a lancé dans le cahot spatial

Un boomerang chargé pour le monde abyssal

D'un pouvoir créateur

Qui, ayant forcé les sombres profondeurs

Après bien des éons, des milliards d'années lumières

Doit revenir aux frontières du foyer

Où la flamme incandescente cesse de tourbillonner.

 

Le récit de ce voyage à travers le temps et l'espace

Estimé selon le rapport des mesures humano mentales

Et au niveau des moyens d'appréhensions de la créature

Exige du conteur de cette aventure

L'emploi d'un langage vivant

Et cela à chaque étape comprise dans les limites du temps

Et de l'espace observé.

 

S'il n'y a rien de caché

Qui ne doit au cours des jours être dévoilé

Cela ne se fera que par une expression vivante

Où tout demeure ouvert à ce qui évolue et chante

Dans l'univers.

 

Le voyage du boomerang est si fabuleux

Que pour en décrire les phases en termes heureux

N'est que le langage du moment

Qui puisse en faire sentir la vie du présent

Ce présent qui succède à un présent et précède un présent

C'est le langage du temps qui touche la conscience

Ce langage seul peut mettre en contact l'homme

Avec la réalité pour une nouvelle naissance.

 

Tout phénomène découvert est nouveau paysage

Contemplé, au cours de ce grand voyage.

Toute densité de matière est tunnel à percer

Ou torrent à traverser.

Et cela dans sa complexité ne se décrit pas avec le langage employé

Quand l'avance nouvelle n'avait pas été faite

Où le nouveau phénomène parfaitement observé.

 

Mais à chaque étape quel qu'ait été le langage

Parlé du boomerang et de son voyage

Chaque fois il rapportait une facette de réalité

Il rapportait une image de la vérité.

Pourtant en poursuivant son chemin il changea de couleur

Car tout se nuance

Entre tout ce qui meurt

Pour laisser la voie libre à de nouvelles naissances.

 

C'est pourquoi le langage doit être vivant

Et demeurer ouvert au futur présent

Ce n'est qu'un fil de relation

Qu'on peut appeler tradition.

 

On ne laboure bien l'existence que lorsque l'on est vivant

Et l'on n'est pas vivant quand on ânonne ce qui a été ânonné trop longtemps.

 

 

 

 

II ne faut pas mettre le vin nouveau dans de vieilles outres

 

II ne faut pas mettre le vin nouveau dans de vieilles outres,

Voilà le conseil à suivre en bon nombre d'occasions.

II n'est point conseil exclusivement donné aux vignerons,

Il est conseil à observer par tous et dans la pratique de l'existence en outre.

Il est dans les habitudes de l'homme d'être attaché aux vieilles outres,

Je veux dire par là, aux vieilles formules, aux anciennes opinions,

A toutes choses qui sont en somme sclérosées,

Toutes choses écrasées sous le poids mort du passé.

La nature ne met point le coeur d'un vieillard dans la poitrine d'un enfant,

Chaque instant est naissance nouvelle,

Les vendanges au cours du temps,

Constamment se renouvellent.

Et le jus de la vigne passe du pressoir dans les cuves où il fermente.

Toute chose nouvelle est chose qui fermente,

Et bout dans l'outre de l'esprit garnit de vieux principes,

De vieilles théories, de vieilles formules,

D'anciennes opinions écaillées, d'anciennes formes de savoir,

Et qui servent à exprimer le savoir de ce savoir,

De vieilles outres desséchées,

Bonnes à dormir sous la poussière des greniers,

Accrochées à quelques vieilles poutres.

Il ne faut pas mettre le vin nouveau dans de vieilles outres.

Tout fait nouveau est complément de connaissance,

Et donc complément de vie.

Nous nous fermons dans l'existence,

II faut y songer, l'image est saisissante,

Tout vin nouveau fermente,

Et cherche un plus vaste espace pour loger sa mesure liquide,

Et son expansion gazeuse.

Les vieilles outres se racornissent et n'ont plus la forme heureuse,

Qui accueille une puissance nouvelle de vie.

A tout nouveau joyau revient nouvel écrin,

Comme à science nouvelle nouveau vocabulaire convient.

A chaque nouveau cycle nombreux symboles participent,

Tout cavalier qui poursuit la route du temps,

Doit régulièrement changer de monture.

Ne savons nous pas que toute chose ici bas est victime de l'usure ?

Mais à tous les instants de la juste immanence,

Paraissent les éclairs de la transcendance.

Devant les tumulus où dorment les vieux ans,

Ne faisons pas mourir le germe du printemps,

Et ne l'enterrons pas sous d'anciennes défroques.

Il y a style et technique nouveaux pour chaque nouvelle époque.

L'accoutumance à ce qui fut fait d'un monde qui veut vivre,

Un monde stagnant, un monde qui n'a plus la faculté de suivre

Le rythme de ce qui vit, de ce qui prolifère,

De ce qui change l'ombre en lumière.

D'anciennes théories, de brèves équations,

Par la fièvre audacieuse de chercheurs héroïques,

Poussés par l'intuition,

Se trouvent dépouillées de leur pont dogmatique.

Tout ce qui est formé se déforme,

Tout ce qui est quelque chose, un jour doit mourir.

Le mental crée des formes,

Que l'esprit peut nourrir,

Durant un bref moment,

Puis détruire car il est destructeur

Autant que créateur.

II anime la forme qu'il a fait éclore.

Mais l'esprit apparaît plus vif, plus éclatant,

Quand ce masque n'est plus maculé par le temps.

II lui faut la fraîcheur de nouvelles aurores.

Or ce masque est la forme qui se sclérose,

La forme qui s'interpose

Entre l'homme et la réalité.

Que son printemps annonce la saison d'été,

Pour diffuser lumière en gerbes.

Sous la forme l'esprit transmet lumière et verbe.

Entre lumière et verbe il y a un jeu mouvant des morts et des naissances.

C'est ainsi que l'esprit n'éclaire l'existence,

Que si les vieilles formes cèdent la place

A de nouveaux écrins qui révèlent sa présence.

L'esprit n'habite pas le monde des tombeaux.

 

Alors dans de vieilles outres, ne mettons pas le vin nouveau.

 

 

 

 

Ce que nous devons à la femme


Dans le silence fait des choses en harmonie était un jardin de délice où feuilles, herbes, fleurs et fruits ne se flétrissaient jamais. Et dans ce jardin un homme était, oui, un homme.

 

De toutes parts de beaux arbres s'offraient à sa vue et leurs fruits étaient agréables. Je crois qu'il y était question de pommes, et tout embaumait dans ce jardin, c'était une haleine, une haleine de jasmins, de résédas, de lis, de roses, de seringas et de marjolaines.

 

De ce lieu de délice il sortait un fleuve qui se divisait en quatre canaux dirigés vers quatre directions, et ils servaient une fontaine qui arrosait toute la surface de ce jardin de dilection.

 

Un homme le gardait, le peignait, le cultivait avec un soin tranquille, une humeur égale, avec l'allure qui semblait docile à sa fonction qui voulait qu'il cultiva et conserva tous ces agréments d'une jeunesse éternelle.

 

Je peux vous assurer que la chose est réelle !

 

L'homme arrosait, cultivait et dormait. II dormait, cultivait et arrosait, enfin dois je dire que sa sérénité s'épanchait dans ces trois activités et par ses soins les choses restaient unies. II était dans un jardin de délice où le silence était fait des choses en harmonie. Et il ne souffrait point de la monotonie. II s'étonnait à peine de ce qu'il lui semblait, c'est-à-dire de ce que parmi ces fleurs, parmi ces merveilles, une fleur, une merveille devait manquer, un chef-d'oeuvre n'était pas achevé.

 

Mais quelle fleur manquait ? II ignorait qu'en lui elle était cachée.

 

Une lourdeur sur lui soudain s'appesantit, il fut plongé dans un sommeil qui l'anéantit, et pendant qu'il dormait, une forme s'évada de son côté, du côté où le coeur battait. Une forme fluide, une forme légère qui se modèle gracieuse, flexible, une créature, une irréalité s'affirmant réelle.

 

L'homme s'éveilla et vit dans un enchantement indescriptible cet être qui avait pris d'un rêve la forme la plus belle.

 

L'homme s'émerveilla et tendit sa main, et dans sa main une petite main se posa, une petite main aux doigts fluets terminés par des ongles nacrés, de petites griffes qui pouvaient égratigner jusque dans la caresse pour qu'il en paraisse une trace, voyez-vous.

 

L'homme, appuyé sur un genou n'en croyait pas ses yeux. Et lui qui n'entendait que le silence fait de mille bruits en harmonie, entendit soudain une mélodie sortant de la corolle d'une bouche rose qui n'avait rien à envier à une fleur épanouie. C'était un bruit de cascade qui faisait : "Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?" Cela venait d'une source de curiosité insatiable qui plongeait l'homme dans une hébétude incontestable.

 

L'homme n'avait pas de nom. On l'appela plus tard Adam, parce que Adam veut dire homme. On ne baptisait pas encore en ce temps, non, il n'y avait pas encore de Saints au paradis. Quel nom de Saint aurait-on pu lui donner ? Le purgatoire et l'enfer n'existaient pas non plus, il n'y avait personne pour les occuper. Il existait peu de choses en somme, tout au moins c'est ce qu'on m'a dit quand j'étais petit. Nous conterons donc qu'Adam devant la ravissante compagne dont il était doté, se montra enchanté ! Enchanté ! Enchanté !

 

Il ne savait point faire de prévisions, hé ! Et il n'y avait pas encore de prophètes. C'était tous les jours fête avec cet être charmant que nous appelons Eve.

 

Elle était mutine, primesautière, pleine de sève et douée d'un appétit concupiscide, vraiment, c'était une joie indicible. Elle s'extasiait, s'étonnait de tout, elle disait : "Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?" Point de monotonie avec cet être de choix.

 

Adam béait devant elle, et comme il était la raison, à ces questions il ne pouvait donner aucune raison. II y avait un haut-lieu du jardin, de ce paradéïsos, qui veut dire jardin, un arbre à l'aspect très beau qui donnait des pommes. C'était l'arbre de la connaissance du bien et du mal, du comment et du pourquoi, ou c'est tout comme.

 

A son sujet une grande voix avait résonné dans le silence enchanteur et avait dit : "Ne mangez pas de ce fruit, car si vous en mangez, vous mourrez !" Bigre, c'est un néologisme qu'Adam fit, tant il était ébahi. Mais Eve regardait souvent avec envie cet arbre chargé de fruits et demandait à Adam pourquoi en manger lui était interdit.

 

"C'est l'arbre de la connaissance du bien et du mal", répondait Adam qui n'en savait pas plus long, alors que la curieuse en voulait plus long savoir. "Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?"

 

Adam était la raison qui n' avait jamais de raison à faire valoir. Il était la raison et n'avait point de raison, ce qui souligne judicieusement la différence qu'il y a entre être et avoir. Enfin si Eve savait dire "Pourquoi ?", Adam ne savait point dire "Parce que !"

 

C'était un bon ménage. Mais Eve le regardait parfois d'un oeil de beauté d'une façon...... d'Adam la supériorité était mise en doute et en perdait l'avantage, comme est mise en doute, c'est fréquent, la science des parents par les enfants. II est vrai que la nature ayant pu, a créé un être qui convient à l'homme par ses proportions physiques et à l'enfant par son oral, résolut le problème en faisant de la femme un grand enfant. C'est à Rivarol que nous devons ces propos. Mais je pense que pour aimer ces grands enfants il était toujours dispos.

 

Bref, Eve cueillait les fleurs et les mettait en colliers autour de son cou et autour de ses bras. Adam trouva cela fort joli. C'est depuis ce moment, m'a-t-on dit, que les hommes prirent le goût d'offrir des colliers aux femmes et des bracelets. Cet arrière aïeul, cet aïeul lointain a tout inventé, et avant nous, depuis qu'une femme lui fut accordée et que l'habitude de se marier fut contractée.

 

Mais Eve, je crois vous l'avoir dit, regardait souvent les fruits que l'arbre de la connaissance portait. Très beaux elle les trouvait. Admirative, elle joignait les mains comme ceci, et frappait le sol de ses petits pieds, elle s'irritait au point de pleurer parce qu'elle ne recevait aucune fois de réponse à sa sempiternelle demande : "Pourquoi ? Pourquoi était-il défendu de mordre en un fruit si appétissant ? Cela n'avait pas de sens vraiment".

 

Un petit rire fusa. Eve, surprise, chercha d'où pouvait venir ce rire, cet étrange rire éclatendu. Et pour finir, des feuilles doucement se soulevèrent, et une fine tête de serpent apparut. II fit entendre de nouveau son rire, puis de rire cessa et parla : "Eve," fit-il, "Oh, la plus séduisante des créatures, de l'homme le plus beau, le plus vivant côté, tu demandes pourquoi il t'est fait défense à ce fruit de goûter ?"

 

"Mais oui, certes, je demande pourquoi ?" dit-elle, vivement intéressée par l'évènement qui se présentait à elle.

 

"Mais parce que tu aurais la connaissance ma belle".

 

"Et bien, pourquoi ne l'aurais-je pas ? Est-ce seulement par crainte du trépas ?"

 

"Non, mais parce que tu serais semblable aux dieux".

 

"Et pourquoi ne le serais-je pas ? Oh, sinon tout à fait du moins, un peu".

 

Le serpent prit un air plus ou moins louche et poursuivit : "N'est-il pas prétentieux de vouloir, euh..., cracher plus haut qu'on a la bouche ?"

 

Eve vive et spontanée, leva la tête, le visage tourné vers les cieux et lança un jet de salive qui risa la lumière : "Vois-tu", dit-elle, "que je puis cracher haut, j'ai la lumière".

 

"En effet, je vois", fit le serpent, qui dut s'essuyer les yeux.

 

"Je vais donc connaître le secret des dieux ?"

 

"Mieux, tu parviendras toujours à faire ce que tu veux".

 

"Oh, mais je suis ravie, je puis donc manger de ce fruit ?"

 

"Oui, certainement, mais avec Adam".

 

"Mais", fit Eve songeuse, "II a dit que si je croque dans ce fruit, je mourrais".

 

"Oui", dit l'autre, "C'est vrai, mais ce n'est rien. Vois, je change périodiquement de peau , c'est ce qui t'arrivera après chaque acquisition de connaissance nouvelle".

 

"Alors, je cueille ?" demanda-t-elle.

 

"Cueilles ! Mais ce fruit ne le mange pas seule, je te l'ai dit, partage avec Adam. Mmhh, à deux ce sera meilleur assurément".

 

"S'il ne veut pas y goûter ?"

 

"Tu sauras bien le décider".

 

"Tu sais qu'il est la raison ?"

 

"A raison plus, la raison, ça change".

 

"Il paraît que c'est le don des anges".

 

"Les anges n'ont pas encore paru".

 

"Que dis-tu ?"

 

"Plus tard, beaucoup plus tard, ils te feront connaître un couple charmant et uni : l'amour et l'intelligence. En ce temps tu ne connaîtras plus de la raison l'ingérence. Vas donc avec lui croquer le fruit sans hésitation".

 

Eve fit ainsi. La pomme fut croquée et toutes les choses furent métamorphosées. Il leur fut sensible le mouvement, l'espace et le temps. Et ce fut l'existence d'un monde qui avait un commencement et une fin. Et ce fut l'infini des fins qui recommencent. Les formes des arbres furent reproduites sur le sol, ce fut de l'ombre la naissance. L'apparition du jour et de la nuit, la chute des fruits et des feuilles et leur renaissance.

 

Adam et Eve s'aperçurent qu'étant nus en certains moments que nous appelons saisons ils avaient froid et qu'ils avaient faim. Le vent projetait sur leurs corps les rigueurs du temps inclément, ils se couvraient de peaux de bisons. Ensuite s'étant tenus trop prêt l'un de l'autre, pour se réchauffer sans doute, il en résulta que se conformant à tout ce qui existe dans la nature, ils donnèrent naissance à un foyer.

 

Ainsi Eve fut femme, femme ou mot qui veut dire celle qui nourrit et qui allaite et qui fait la joie d'un enfant, c'est-à-dire d'un homme nouveau qui en lui a ce que prétend Saint Augustin un serpent, une Eve et un Adam.

 

Le serpent représente nos sens et notre nature, c'est sûr. Eve, l'appétit concupiscible, c'est possible. Adam, la raison, mhhh, nous en doutons.

 

Enfin, Eve qui était la curiosité, la curiosité même, voulait résoudre mille problèmes avec sa sensibilité qui flaire, qui suit un instinct très sûr. Elle allait à l'aventure en traînant Adam dans l'obscurité d'un monde aux voies profondes où la raison n'y voyait goûte. C'est là sans doute que commença une lutte homérique, que surgissent des conflits de l'aventure fantastique de l'âme empêtrée dans une complexité de choses qui s'opposent à la raison et qu'il faudrait connaître pour s'y reconnaître dans cette poubelle où ils pataugeaient.

 

Connaître, connaître, toujours connaître, ils en étaient interloqués. C'est pourquoi, la pomme est toujours à croquer. Mais que diantre que cet empêtrement, il faudrait bien sortir. Quelle solution découvrir ?

 

Absorber l'arbre du bien et du mal tout entier, d'un seul coup pour déjouer sa fécondité ? Non, il y avait vraiment trop de pommes à croquer. Eve, elle-même, en était dégoûtée.

 

Absorber l'arbre. Je ne trouve pas cet exploit parmi les douze travaux d'Hercule. L'homme s'abstint. La raison craint toujours le ridicule. Cependant il fut un Sauveur qui conseilla de ne point tergiverser. Les hommes ne le comprirent pas et l'ont crucifié.

 

L'erreur d'Adam, c'est d'avoir oublié que d'où l'on vient on peut retourner. II s'évertua de faire de ses progénitures, selon ce qu'il appela la règle de la nature, des serpents, des Eves et des Adams rassemblés en chacun de ses enfants, ce qui ne rendait pas la tâche aisée pour parvenir à trouver la vérité et le lieu de délice oublié.

 

En chacun d'eux la dispute régnait. Entre tous, elle se propageait. Le serpent la provoquait, Adam la poursuivait et Eve la subissait. Mais Eve était courageuse. La femme l'est encore et toujours aujourd'hui. C'est pourquoi son instinct lui dit que si on a su descendre, on doit savoir remonter.

 

Avec l'homme, il lui faut avec adresse procéder pour de nouveau l'entraîner. Mais l'homme, Adam, veut faire la loi puisqu'il est la raison. "J'ai la tête", crie-t-il avec humeur. "C'est possible", dit Eve, femme, "Moi j'ai du coeur".

 

Adam et Eve aujourd'hui sont encore un bon ménage, semblable à ce qu'il était, bien qu'avançant en âge, mais le serpent ne veut pas qu'on l'oublie. Il s'écrie : "Nom d'une pipe, vous pensez toujours à vous avec vos tripes. Le savez vous ? Les tripes c'est là où je me tiens, songez-y bien, songez-y bien".

 

"Tu te trompes serpent, pas moi", dit la femme, "Si je n'ai pas de tête pour ergoter, je pense avec mon coeur. C'est pourquoi en ce monde bien bas il est un peu de bonheur. Si l'on m'accuse de n'avoir point de raison, et que lorsque tout semble perdu, l'amour peut tout sauver encore".

 

Et Eve, sans barguigner, reprend la tête de l'expédition, et comme elle avait plongé Adam dans l'existence sans doute pour qu'il ait quelque expérience, c'est elle maintenant qui, la main dans la main, lui fait prendre le chemin où l'on retrouve l'espérance.

 

D'ailleurs vous la voyez aujourd'hui, cervelle accompagnée d'esprit, toujours mère à la maison, parfois maire à la mairie. Elle s'égale à l'homme en maintes fonctions, et ça montre souvent facteur d'évolution.

 

Si l'aspect lilith de son caractère lui a fait rechercher la terre, n'a-t-elle pas par ailleurs la chakti, la compagne d'élection du Dieu. Prêt d'elle l'homme est fort, sans elle il est boiteux. C'est pourquoi, quittant la terre que nous le voulions ou non, elle nous entraîne vers les cieux.


 

 

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